L’évaluation 2025 du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), conduite par un comité d’experts mandaté par le Hcéres, dresse un panorama détaillé des évolutions de l’organisme depuis 2019. Le rapport met en évidence une phase de transformation stratégique et culturelle profonde, avec des implications directes pour les centres civils, dont Grenoble fait partie.
Un organisme en mutation profonde
Depuis 2019, le CEA s’est engagé dans une refonte de son positionnement scientifique et technologique. Sa stratégie repose désormais sur trois axes structurants : la transition énergétique, la transition numérique, la médecine du futur, tout en maintenant un socle solide de recherche fondamentale
Cette orientation vise à renforcer la cohérence interne et à favoriser les synergies entre domaines historiquement cloisonnés. Le comité d’évaluation juge que cette stratégie fournit un cadre efficace pour mobiliser l’ensemble des compétences du CEA
Le rôle central des centres civils, dont Grenoble
Parmi les neuf centres de l’organisme, quatre sont civils : Saclay, Cadarache, Marcoule et Grenoble. Ces centres jouent un rôle essentiel dans la mise en œuvre opérationnelle de la stratégie, abritant une large part des unités de recherche fondamentale, technologique et d’enseignement.
En 2023, le périmètre civil représentait 10 210 équivalents temps plein travaillés (ETPT), soutenus par 2 168 M€ de ressources financières
Le rapport souligne aussi le rôle des centres civils dans l’intégration du CEA dans l’écosystème universitaire, notamment à Paris-Saclay et Grenoble, où les partenariats sont considérés comme stratégiques et renforcés ces dernières années
Modernisation du pilotage, organisation et gouvernance
Plusieurs évolutions importantes du fonctionnement interne ont été conduites entre 2019 et 2023, le rapport relève notamment la création du secrétariat général en 2024, la systématisation du niveau institut dans l’organisation, la clarification du rôle des instances de gouvernance, le renforcement de la cohérence du pilotage pluriannuel des activités
Le comité salue l’amélioration nette de la gestion des effectifs sous plafond : l’écart entre plafond autorisé et effectif réel est passé de 1,1 % en 2018 à moins de 0,3 % en 2023. Cependant, cette maîtrise place désormais l’établissement dans une contrainte forte risquant de freiner le développement de la recherche partenariale. Le rapport recommande d’assouplir les règles encadrant les emplois hors plafond
Ressources humaines : attractivité, jeunes générations et dialogue social
La politique RH figure parmi les volets les plus transformés du CEA durant la période évaluée.
Entre 2019 et 2023, l’effectif permanent a augmenté de 5,1 %, 4 875 recrutements ont été réalisés, le taux de départs est resté stable autour de 6 %
L’attention portée aux jeunes générations constitue un axe majeur : conditions de travail, évolution managériale, égalité professionnelle, politique salariale et accompagnement des parcours.
Le dialogue social est qualifié d’important et actif, plusieurs accords ayant été signés avec les organisations représentatives
Transformation culturelle : un enjeu majeur pour l’avenir
Le CEA a formalisé en 2024 une démarche de transformation culturelle fondée sur trois valeurs :
Curiosité, Coopération, Conscience des responsabilités.
Ces principes visent à moderniser les pratiques managériales, renforcer l’ouverture, et favoriser le sentiment d’appartenance. Des dispositifs innovants comme le Co’jite, comité des jeunes volontaires, ont été créés pour impliquer les personnels dans cette transformation
Le comité d’évaluation considère cette dynamique comme essentielle mais souligne la nécessité d’amplifier les efforts dans les années à venir.
Enjeux spécifiques liés à la stratégie énergétique et au nucléaire
Le rapport note un point de vigilance : la communication du CEA autour d’une vision intégrée de l’énergie peut être interprétée, à tort, comme une forme de retrait du domaine nucléaire.
Le comité rappelle que ce domaine reste historique et central, et recommande une clarification accrue pour éviter les incompréhensions, dans un contexte où le nucléaire demeure un enjeu national majeur
Points forts soulignés par les experts
Le CEA est reconnu pour plusieurs atouts majeurs, et en particulier : son excellence scientifique et technologique, son pilotage de grandes infrastructures de recherche, son impact fort dans l’innovation et le transfert industriel, ses partenariats renforcés avec les universités et organismes européens, son implication dans les grands programmes nationaux de recherche (PEPR, agences de programmes)
Faiblesses et recommandations principales
Parmi les difficultés identifiées figurent la complexité organisationnelle persistante, la communication stratégique parfois ambiguë, la tension sur les effectifs due au plafond d’emplois, la nécessité d’accélérer la transformation culturelle. (La CFE CGC aborde ses points régulièrement dans les instances).
Les recommandations clés du rapport portent sur la poursuite des transformations engagées, l’assouplissement des règles d’emploi, la clarification de la communication autour du nucléaire, l’ouverture accrue vers les universités et partenaires scientifiques.
Un organisme solide, engagé dans une refondation durable
Le rapport 2025 décrit un CEA en pleine évolution, ayant engagé des transformations profondes pour renforcer son efficacité et son attractivité, tout en s’adaptant à des enjeux sociétaux majeurs.
Le rapport 2025 ne se contente pas de mentionner Grenoble : il en fait un site structurant pour l’avenir du CEA dans l’enseignement supérieur, la transition numérique et la recherche fondamentale.
Mais il pointe aussi les limites actuelles : attractivité en baisse, plafond d’emploi saturé, rigidités internes. Autant de sujets que la CFE-CGC porte depuis longtemps
Ce qu’en pense la CFE CGC SICTAM de Grenoble
Le rapport d’évaluation confirme ce que les personnels dénoncent depuis longtemps : Grenoble est un pilier scientifique et technologique du CEA… mais un pilier fragilisé par les contraintes d’emploi, les rigidités salariales et les lourdeurs internes.
La CFE CGC SICTAM soutient donc :
- L’assouplissement immédiatement des règles d’emploi pour permettre le développement du site en relevant le plafond d’emploi du périmètre civil et en modifiant les règles des emplois hors plafond pour garantir la capacité à recruter dans les domaines critiques du site.
- La revalorisation des salaires et la modernisation de la grille (en cohérence avec les standards du secteur) pour sortir de la crise d’attractivité. La rigidité de la grille salariale du CEA constitue un frein à l’attractivité dans les bassins d’emploi concurrentiels comme Grenoble.
- Le renforcement des effectifs et des moyens d’encadrement pour doctorants, post-docs et alternants. Certains doctorants souffrent d’un isolement scientifique en dehors du CEA et le comité n’a pas pu vérifier l’existence d’un accompagnement structuré des post-docs.
- La simplification de l’organisation et l’allégement des lourdeurs internes, notamment l’harmonisation des pratiques managériales au sein du site de Grenoble par la formation managériale renforcée, suivie, évaluée, avec implication du personnel.
- La soutenabilité de la charge de travail des équipes grenobloises : le rapport est clair. Grenoble est un des deux centres civils essentiels. Les activités stratégiques (numérique, santé, énergie, microélectronique) y sont très concentrées. Les moyens RH et organisationnels sont, eux, insuffisants. Nous demandons depuis longtemps :
- Une évaluation locale de la charge de travail par direction et par unité.
- Des plans de recrutement ciblés.
- La reconnaissance des surcharges via primes, promotions et régularisations.
Le rapport du Hcéres apporte donc une légitimité forte aux revendications du personnel : le manque de moyens est documenté, la saturation RH est identifiée, l’attractivité est reconnue comme un problème, les lourdeurs internes sont pointées, le rôle stratégique de Grenoble est confirmé.
Ces constats constituent une base factuelle solide pour appuyer les demandes du personnel portées depuis toujours par la CFE CGC auprès de la direction du centre et du siège.
Pour en savoir plus, le rapport ici : Rapport evaluation-cea25.pdf
