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FAMES is Famous… Audience au tribunal le 4 décembre 2025.

Projet FAMES au CEA Grenoble : PAS de dialogue social

Le projet FAMES, destiné à développer des technologies microélectroniques de pointe au CEA Grenoble, a provoqué un conflit juridique entre le Comité Social et Économique (CSE) et la direction. Les élus du CSE ont à plusieurs reprises demandé l’ouverture d’une procédure d’information-consultation — conformément au droit du travail — pour évaluer l’impact de ce projet important sur les conditions de santé et de sécurité, mais aussi de travail du CEA-LETI. Face au refus systématique de la direction, le CSE a saisi le juge des référés.

L’audience, programmée le 4 décembre 2025, cristallise la tension entre innovation scientifique et respect des obligations sociales. Elle vise également à faire reconnaître les obligations légales du droit du travail (processus d’information-consultation des élus du CSE) comme un outil commun de légitimité, de confiance et de prévention des risques.

1. Des alertes répétées ignorées

L’annonce du projet NEXTGEN et les premières interrogations

En octobre 2022, la direction du CEA Grenoble présentait le projet NEXTGEN en réunion du CSE, visant à développer et transférer la technologie FDSOI. Dès cette annonce, des représentants syndicaux ont interrogé la direction sur les impacts possibles du projet sur les conditions de travail. Ils ont demandé si une consultation du CSE serait engagée — comme le prévoit la loi en cas d’impact potentiel sur l’organisation du travail. La direction s’est montrée évasive, affirmant que « lorsque des évolutions le nécessiteront, la procédure sera mise en place » — sans jamais en donner de garanties concrètes.

Le projet FAMES — tensions accrues et craintes croissantes

En mai 2024, la direction a présenté le projet FAMES comme une extension de NEXTGEN : financement d’équipements supplémentaires, ambition d’atteindre un nœud de 7 nm, intégration de technologies stratégiques. Face à cela, les élus du CSE, en particulier issus de la CGT, ont exprimé de fortes réserves : absence de transparence sur l’ampleur réelle du projet, signalement d’une surcharge de travail, inquiétudes quant à la santé et la sécurité des salariés. Lors d’un CSE de juin 2024, un élu a déclaré que « certains salariés ne parviennent plus à faire face à leur charge de travail… si des incidents surviennent, la responsabilité de la direction sera engagée ». Malgré ces alertes, la direction a catégoriquement refusé d’engager toute information-consultation, jugeant que le projet ne justifiait pas cette démarche.

Des demandes réitérées face à un mur institutionnel

Entre juin et septembre 2024, le CSE a maintenu ses demandes : accès aux documents décrivant FAMES, lancement d’une consultation sur ses impacts. La direction a opposé des refus ou reports, invoquant la confidentialité et l’absence de signature définitive. Le 16 septembre 2024, lors d’un CSE extraordinaire, la question a été posée explicitement : « Allez-vous engager une information-consultation sur ce projet de plus de 700 millions d’euros, qui impacte plusieurs services ? » La réponse fut négative.

Une décision collective de recourir à la justice

Face à ce blocage, le CSE a voté le 26 septembre 2024 une délibération autorisant le recours à la justice pour entrave au fonctionnement de l’instance. Cette délibération, prise à la majorité et portant sur un point inscrit à l’ordre du jour, a été confirmée par une seconde délibération en janvier 2025.

2. Médiation et refus persistants

Tentatives de médiation sans résultats

Après la délibération, le CSE a cherché à privilégier le dialogue : plusieurs réunions de médiation ont eu lieu avec la direction, dans le but d’éviter un procès. Mais la direction est restée ferme : refus de transmettre les documents, refus de lancer la consultation, minimisation des impacts du projet.

Arguments de la direction et leurs contradictions

Selon la direction du CEA, FAMES appartient au cœur de son activité et ne constitue pas un « aménagement » soumis à consultation. Elle affirme par ailleurs que les impacts sont limités — pas de déménagement, pas d’augmentation significative d’effectifs en CDI, charge de travail maîtrisée —, et que les équipements et bâtiments nécessaires sont déjà prévus dans le cadre de NEXTGEN. Pourtant, les faits viennent contredire ces affirmations.

Ces éléments rendent plausible l’idée d’un « aménagement important modifiant les conditions de travail ou les effectifs » — ce qui, en droit, impose l’information et la consultation du CSE.

Échec de la médiation — le CSE se résout à agir en justice

Malgré l’apport de témoignages, de données d’absentéisme, et d’alertes sur les risques psychosociaux, la direction a maintenu son refus. Le CSE a donc décidé de porter l’affaire devant le tribunal judiciaire, dénonçant une absence de dialogue social et une violation manifeste de ses droits.

3. Audience du 4 décembre 2025

Lors de cette audience, le CSE demandera au tribunal judiciaire de constater l’entrave à son fonctionnement. Pour les salariés, c’est l’occasion de faire reconnaître leurs droits et de garantir le respect de leurs conditions de travail. Pour le dialogue social, cette affaire pourrait confirmer que la consultation n’est pas une simple formalité, mais une obligation réelle et préventive.

Le cas du projet FAMES illustre de façon extrêmement nette les dilemmes auxquels sont confrontés les grands organismes de recherche : comment concilier l’exigence d’innovation et de compétitivité technologique avec les obligations légales et morales en matière de conditions de travail, de sécurité et de santé des salariés et de dialogue social ?

La plaidoirie 4 décembre 2025 constitue un moment charnière. Quelle que soit l’issue, elle enverra un signal fort sur la place du CSE dans les processus de transformation — y compris ceux qui concernent des projets scientifiques ou technologiques d’envergure.

Ainsi, ce conflit rappelle que l’information et la consultation des représentants du personnel ne sont pas négociables — elles constituent un droit fondamental, au service de la santé, de la sécurité et du respect des travailleurs.

Pistes de réflexion : concilier innovation et respect des procédures sociales

Intégrer le dialogue social, dès l’amont dans des espaces d’échanges réguliers avec une transparence sur les risques (charge de travail, santé, réorganisation) et sur les conséquences sur l’emploi.

Cela garantirait que les obligations légales (information-consultation) soient perçues non comme une contrainte, mais comme un facteur de légitimité, de confiance, et de prévention des risques.