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Projet Convergence au CEA Grenoble : modernisation nécessaire ou dérive organisationnelle ?

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Le projet Convergence promet de moderniser le système d’information du CEA Grenoble. Mais derrière la vitrine technologique, le rapport d’expertise commandé par le CSE révèle une transformation lourde, porteuse de tensions, d’incertitudes et de risques humains majeurs. Moderniser, oui — mais pas à n’importe quel prix.

Un chantier technologique colossal

Depuis 2022, le CEA s’est engagé dans le projet Convergence : une refonte complète de ses outils de gestion. Le vieux système SAP ECC6, accompagné d’une mosaïque d’applications internes, sera remplacé par une architecture intégrée réunissant SAP S/4 HANA, HRAccess, ASK&GO, Liaweb et d’autres logiciels de pilotage. L’ambition est claire : moderniser, simplifier, uniformiser les pratiques à travers toutes les directions du CEA.

Présenté comme une évolution incontournable — notamment face à la fin de maintenance du système actuel — le projet est piloté au niveau national. À Grenoble, plusieurs centaines de salariés sont déjà impliqués dans la phase préparatoire : recettage, tests fonctionnels, formations. L’effort humain est colossal, à la mesure de l’enjeu.

Une modernisation indispensable… mais centralisée

Le rapport d’expertise reconnaît la robustesse de la conduite de projet. Les équipes ont travaillé dur, et la communication avec les instances représentatives a été dense. Pourtant, de nombreuses décisions ont été prises loin du terrain. Le pilotage reste très centralisé, laissant peu de marge de manœuvre aux acteurs locaux. À Grenoble, les salariés interrogés expriment un sentiment récurrent : celui d’être mis devant le fait accompli.

La complexité organisationnelle du CEA — directions opérationnelles, instituts, services fonctionnels — aggrave ce fossé. Certains métiers participent activement aux ateliers, d’autres découvrent les changements par bribes. Résultat : un sentiment d’inégalité face à l’information et une appropriation du projet à géométrie variable.

Un changement structurel qui interroge le sens du travail

Derrière les promesses d’efficacité se cache une transformation profonde de l’organisation du travail. Le passage à HRAccess, par exemple, modifie la philosophie même de la gestion RH. Les salariés deviennent leurs propres gestionnaires : ils saisissent leurs données, leurs congés, leurs formations. Les fonctions de proximité — assistantes, correspondants formation — sont peu à peu effacées au profit d’un portail automatisé. Ce transfert d’autonomie s’apparente, pour beaucoup, à un transfert de charge.

Dans les domaines Achats et Finance, la standardisation des processus est présentée comme un progrès. Mais les experts rappellent que ces nouveaux outils imposent aussi des saisies plus nombreuses, des validations plus complexes et une rigidité accrue. L’uniformisation, si elle n’est pas accompagnée, risque d’appauvrir la diversité des pratiques locales et de générer une perte de sens au travail.

Des risques humains sous-estimés

Le rapport alerte sur une période critique : celle de la bascule informatique prévue fin 2025. Formations intensives, nettoyage des données, arrêtés de comptes anticipés : tout converge vers une surcharge généralisée. Même si des renforts temporaires ont été déployés, les moyens restent incertains face à l’ampleur du défi. Les agents craignent un engrenage où la pression et la fatigue s’accumulent, alors que la visibilité reste faible sur le résultat final.

Au-delà de la charge immédiate, le projet interroge la santé psychologique des équipes. La perte de repères, la disparition de rôles historiques et la crainte d’une automatisation froide du travail administratif alimentent une inquiétude diffuse. Les salariés ne rejettent pas la modernisation : ils réclament simplement qu’elle soit humaine, progressive et équitable.

Un projet qui met le dialogue social à l’épreuve

La réussite de Convergence dépendra moins de la technologie que de la manière dont le CEA saura accompagner ses personnels. Les experts soulignent que la communication locale doit être renforcée, que les instances doivent disposer d’une information claire et que les directions doivent écouter les retours de terrain. En somme : la modernisation ne peut pas se faire contre les salariés, mais avec eux.

Position CFE-CGC Grenoble

La CFE-CGC Grenoble appelle à une vigilance collective face à ce projet d’ampleur nationale. La modernisation du CEA ne doit pas se traduire par une dégradation des conditions de travail. Nous demandons :

• Un renforcement durable des moyens humains pendant la phase de bascule et après le déploiement ;
• Une évaluation continue des impacts sur la charge de travail et la santé des agents ;
• Une concertation réelle avec les représentants du personnel à chaque étape du projet ;
• La garantie que la simplification promise ne devienne pas une complexification du quotidien.

La CFE-CGC restera mobilisée pour que cette transition numérique reste avant tout une réussite humaine.