Le projet Convergence bouleverse en profondeur la gestion des ressources humaines du CEA Grenoble. Avec le déploiement du portail HRAccess, les salariés deviennent acteurs directs de leur parcours administratif et professionnel. Mais derrière la promesse d’autonomie se cache une réalité plus dure : la disparition des rôles de proximité et une reconfiguration silencieuse des métiers RH.
HRAccess : la vitrine d’une autonomie forcée
Présenté comme une avancée vers la simplification, HRAccess transforme radicalement la relation entre les salariés et la fonction RH. Le portail doit permettre à chaque agent de gérer ses données personnelles, ses congés, ses formations ou encore ses demandes administratives. L’objectif officiel : rendre les processus plus fluides et responsabiliser les collaborateurs.
Dans les faits, cette autonomie repose sur un déplacement du travail administratif vers les salariés eux-mêmes et leurs managers. Les experts soulignent qu’il s’agit d’une ‘autonomie contrainte’ : les agents n’ont pas le choix, ils doivent s’adapter à l’outil et assumer des tâches jadis réalisées par les correspondants formation ou les services RH.
La disparition d’un maillon essentiel : les correspondants formation
L’un des changements les plus symboliques concerne la suppression du rôle de correspondant formation. Jusqu’ici, ces acteurs faisaient le lien entre les agents, les services RH et les organismes de formation. Leur connaissance fine du terrain permettait de traduire les besoins réels des équipes. Désormais, le suivi se fera directement via HRAccess, sans médiation humaine.
Cette disparition inquiète à juste titre. Les correspondants formation ne se contentaient pas d’administrer des dossiers : ils accompagnaient les salariés, expliquaient les dispositifs, identifiaient les besoins collectifs. Leur suppression laisse un vide relationnel et organisationnel que le numérique ne saurait combler.
Un risque d’appauvrissement des métiers RH
Pour les gestionnaires RH, HRAccess n’est pas une libération, mais une reconfiguration. Les tâches de saisie diminuent, mais celles de contrôle et de supervision explosent. Les agents doivent valider, corriger, suivre des flux d’informations plus nombreux et souvent hétérogènes. La logique de pilotage par les données prend le pas sur la relation humaine.
Le rapport souligne un risque de ‘perte de sens’ pour les professionnels RH. Leur métier se transforme en une activité de surveillance des processus et de reporting, au détriment de la dimension humaine et stratégique. Cette évolution, si elle n’est pas accompagnée, pourrait conduire à un désengagement progressif des équipes RH.
Le référentiel emploi : un outil d’uniformisation rigide
Le projet Convergence introduit aussi une refonte du référentiel emploi du CEA. Cette démarche, censée clarifier les fiches de poste et harmoniser les pratiques, risque de rigidifier les parcours. En cherchant à tout standardiser, on gomme la richesse des spécificités locales et des compétences non formalisées.
Le risque est clair : réduire la diversité des profils à des grilles uniformes et contraindre la mobilité interne à des trajectoires normées. Les experts alertent sur cette tendance à la dépersonnalisation du travail, qui peut brider la reconnaissance individuelle et collective.
Quand l’outil prend le pas sur la relation
L’intention de moderniser les processus RH n’est pas remise en cause. Mais le rapport rappelle qu’un outil ne remplace jamais une relation de confiance. Les correspondants formation, les gestionnaires RH et les assistantes assuraient un maillage humain indispensable. En le supprimant sans alternative claire, le CEA prend le risque d’une dégradation du lien social au travail.
Les salariés interrogés expriment un sentiment partagé : celui de devoir ‘se débrouiller seuls’ face à des interfaces techniques, là où ils pouvaient autrefois s’appuyer sur un interlocuteur de proximité. Cette solitude administrative pourrait accentuer les tensions, notamment chez les agents les moins à l’aise avec les outils numériques.
Position CFE-CGC Grenoble
La CFE-CGC Grenoble dénonce la disparition des métiers de proximité au profit d’une automatisation sans accompagnement humain. Nous affirmons que la modernisation ne doit pas se traduire par la déshumanisation. Nous demandons :
• Le maintien d’un réseau de référents RH et formation sur chaque site ;
• Une évaluation de l’impact d’HRAccess sur la charge et la qualité du travail ;
• Une politique de formation spécifique pour les agents les plus concernés par le transfert de tâches ;
• La reconnaissance des métiers RH comme acteurs stratégiques, et non comme simples gestionnaires de flux.
La CFE-CGC rappelle que derrière chaque ‘processus digitalisé’, il y a des femmes et des hommes. Aucune transformation ne peut réussir sans eux.
