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Convergence : plus d’outils, plus de données… et plus de stress !

Le projet Convergence ambitionne d’apporter cohérence et efficacité au CEA Grenoble. Mais en multipliant les outils, les procédures et les validations, il pourrait surtout accentuer la charge mentale des agents. Le rapport d’expertise tire la sonnette d’alarme : derrière la modernisation technologique, un risque bien réel d’intensification du travail.

Des outils qui s’ajoutent plus qu’ils ne remplacent

Les agents du CEA connaissent bien la promesse récurrente de la simplification numérique. Chaque nouveau logiciel est censé ‘remplacer’ plusieurs outils vieillissants. En réalité, la transition crée souvent un effet inverse : pendant de longs mois, anciens et nouveaux systèmes cohabitent, multipliant les tâches et les interfaces. Le rapport d’expertise du CSE souligne que cette phase de double gestion risque de durer au-delà de 2025.

Pour les agents, cela signifie davantage de saisies, davantage de vérifications et une vigilance constante pour éviter les erreurs. Loin d’un allègement, c’est une intensification du travail administratif qui se profile, avec une charge mentale en hausse.

La promesse de l’efficacité contre la réalité du terrain

SAP S/4 HANA, HRAccess, ASK&GO, Odyssée… Chacun de ces outils se veut plus performant. Mais leur interconnexion crée une complexité invisible. Chaque validation déclenche une chaîne d’automatismes, chaîne qu’il faut surveiller, corriger, documenter. Les gestionnaires RH, financiers et acheteurs deviennent des ‘vigies’ du système plus que des acteurs autonomes.

Le rapport note que ‘l’outil n’a pas simplifié les missions, il les a fractionnées’. Les métiers se retrouvent déstructurés : les agents passent moins de temps à exercer leur cœur de compétence, et plus à naviguer entre portails.

Une charge cognitive en explosion

Au-delà du temps passé, c’est la concentration nécessaire qui augmente. Chaque écran, chaque code, chaque étape de validation exige une attention soutenue. Les interruptions se multiplient, la charge mentale grimpe, et les marges de respiration se réduisent. Le travail devient un enchaînement d’alertes, de contrôles et de suivis.

Les experts parlent d’une ‘intensification cognitive du travail’ : la multiplication des micro-tâches et des micro-décisions sollicite en permanence la vigilance. Ce type de fatigue, souvent invisible, peut avoir des effets durables sur la santé mentale.

Des métiers sous pression et en perte de sens

Les domaines les plus exposés sont identifiés : RH, Finance, Achats, gestion de projets. Ce sont eux qui absorbent le choc du changement. Certains salariés expriment un sentiment de ‘travail éclaté’, où la finalité se dilue dans les procédures. La satisfaction de produire un résultat concret laisse place à la frustration de remplir des cases.

Le rapport évoque une perte de sens progressive. Quand la technologie devient un but en soi, le risque est de déconnecter les agents de la mission collective du CEA. L’engagement professionnel, nourri par la fierté du travail bien fait, s’étiole face à l’accumulation de contraintes techniques.

Des risques psychosociaux à anticiper, pas à constater

Le cabinet Émergences appelle à une vigilance accrue sur les risques psychosociaux. L’intensification du travail, la perte de repères et la surcharge cognitive constituent un cocktail propice à l’épuisement professionnel. Les agents les plus engagés sont paradoxalement les plus exposés : ceux qui veulent bien faire, qui compensent les lacunes du système, et qui finissent par s’épuiser.

La prévention doit être anticipée, pas réactive. Les experts recommandent un suivi attentif des équipes pendant et après la bascule, avec un dispositif d’écoute et d’ajustement en continu. Ignorer ces signaux reviendrait à transformer un projet informatique en crise sociale durable.

Retrouver le sens du collectif

La réussite de Convergence ne dépendra pas seulement de la technique, mais de la capacité à maintenir un sens collectif au travail. Les salariés du CEA ont démontré, à chaque transformation, leur professionnalisme et leur engagement. Encore faut-il leur donner les moyens de travailler sereinement, avec des outils adaptés et une charge soutenable.

La modernisation ne peut pas être une course technologique. Elle doit être un projet humain, ancré dans les réalités du terrain, où la confiance et la reconnaissance ne se perdent pas dans les méandres du numérique.

Position CFE-CGC Grenoble

La CFE-CGC Grenoble alerte sur la montée silencieuse des risques psychosociaux liés au projet Convergence. Nous demandons :

• La mise en place d’un observatoire local du travail et de la charge, associant représentants du personnel et direction ;
• Un suivi psychologique accessible pour les agents pendant la phase de bascule ;
• L’évaluation des outils non seulement sur leur efficacité technique, mais sur leur impact humain ;
• La reconnaissance du temps consacré à la formation et à la gestion du changement comme du travail à part entière.

Pour la CFE-CGC, la modernisation doit être synonyme de progrès partagé, pas de souffrance dissimulée derrière des tableaux de bord numériques.