Avec le projet Convergence, le CEA Grenoble s’apprête à revoir en profondeur ses outils de gestion financière et d’achats. SAP S/4 HANA, ASK&GO, Liaweb : des noms prometteurs pour une promesse d’efficacité. Mais à mesure que le déploiement se précise, les agents découvrent une réalité plus complexe : plus de procédures, plus de saisies, et une charge de travail en hausse. Moderniser, oui mais sans complexifier le quotidien.
La promesse d’une gestion plus fluide
Le projet Convergence veut mettre fin à la fragmentation des outils actuels. En regroupant les fonctions Achats et Finance autour de SAP S/4 HANA, ASK&GO et Liaweb, la direction affiche un objectif clair : rendre les processus plus lisibles, plus rapides et plus sûrs. L’intégration complète des flux de données doit permettre un suivi en temps réel des dépenses, des commandes et des budgets.
Dans les présentations officielles, cette évolution est décrite comme un pas vers la modernisation et la transparence. Mais selon l’expertise commandée par le CSE, la réalité opérationnelle pourrait être moins fluide que prévue. Les nouveaux outils introduisent des procédures supplémentaires et une rigidité qui inquiètent déjà les équipes.
Des processus plus lourds et des validations à rallonge
Les agents impliqués dans les tests et les formations rapportent une augmentation notable du nombre d’étapes nécessaires pour réaliser des opérations courantes. Là où une commande pouvait autrefois être validée en quelques clics, le nouveau système impose plusieurs niveaux de validation, parfois jusqu’à quatre ou cinq. La sécurité et la traçabilité y gagnent, mais le temps de traitement explose.
Le rapport d’expertise parle de ‘risque de perte d’autonomie’ pour les acheteurs et les gestionnaires, désormais dépendants de circuits plus complexes. Certains métiers risquent de passer plus de temps à faire valider leurs actions qu’à produire de la valeur ajoutée réelle.
SAP S/4 HANA : la modernité sous contrainte
SAP S/4 HANA, le cœur du nouveau dispositif financier, est présenté comme un outil de pilotage moderne et puissant. Mais sa logique standardisée s’adapte mal à certaines spécificités du CEA. Les experts alertent sur un risque de rigidité excessive : des nomenclatures trop uniformes, des clés de gestion difficiles à manier, et des circuits d’imputation qui allongent les délais.
Les services financiers craignent une ‘usine à gaz’ numérique : un outil performant en théorie, mais chronophage au quotidien. Les gains annoncés pourraient être annulés par la multiplication des micro-tâches et la nécessité de ressaisir certaines données. Ce paradoxe, simplification affichée, complexité vécue, est au cœur des inquiétudes du personnel.
ASK&GO et Liaweb : des outils qui allongent la chaîne d’achats
Dans le domaine des achats, ASK&GO et Liaweb doivent remplacer plusieurs outils vieillissants. Leur mise en œuvre vise à renforcer la traçabilité des marchés publics et à standardiser les pratiques entre sites. Mais pour les utilisateurs, cela signifie aussi un apprentissage difficile et un enchaînement de validations obligatoires. Le rapport parle d’un risque d’allongement significatif des délais de traitement.
Les acheteurs et gestionnaires financiers redoutent que cette surcouche procédurale freine leur réactivité, notamment dans les projets scientifiques où les besoins évoluent vite. Plus de contrôle, certes mais moins d’agilité. La question du juste équilibre reste entière.
Un impact fort sur la charge et la motivation
Les transformations dans les domaines Achats et Finance ne sont pas seulement techniques : elles redéfinissent le sens du travail. Les agents interrogés craignent une perte d’autonomie et une dévalorisation de leur expertise. Les nouveaux outils, censés les ‘aider’, se transforment parfois en contraintes supplémentaires. Les délais s’allongent, la marge de manœuvre se réduit et la satisfaction professionnelle s’en ressent.
Les experts notent aussi une ‘fatigue numérique’ croissante : la multiplication des interfaces, des mots de passe et des procédures entraîne une lassitude générale. La promesse d’efficacité se heurte à une réalité de surcharge cognitive et administrative.
Faire de la performance sans sacrifier l’humain
Le rapport le rappelle avec force : un outil ne crée pas la performance, ce sont les femmes et les hommes qui l’utilisent. Pour réussir Convergence, le CEA devra écouter les retours du terrain, ajuster les processus et reconnaître la charge réelle du changement. Une modernisation imposée sans accompagnement humain est vouée à l’échec, quelle que soit sa sophistication technique.
Position CFE-CGC Grenoble
La CFE-CGC Grenoble refuse que la quête d’efficacité se traduise par une complexité accrue pour les agents. Nous demandons :
• Une évaluation régulière de la charge de travail induite par SAP S/4 HANA, ASK&GO et Liaweb ;
• La simplification des circuits de validation et la réduction du nombre d’étapes inutiles ;
• Un accompagnement renforcé pour les métiers des Achats et de la Finance, souvent en première ligne des transformations ;
• La reconnaissance du professionnalisme des équipes qui font vivre ces fonctions.
